Inquiétudes, rumeurs et soulagement alors que les frappes aériennes se poursuivent au Mali

Depuis la mi-2012, bon nombre de Maliens déplacés vivent dans les tentes de la Croix-Rouge à Sévaré (photo d’archive)/Photo: Anna Jefferys/IRIN

L’inquiétude domine et les rumeurs se multiplient au Mali, alors que les frappes aériennes de l’armée française contre les militants islamistes se poursuivent dans le centre et le nord du pays.

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Il y a peu d’informations sur le nombre de Maliens qui ont fui les violences ou qui craignent d’être pris dans les combats, mais selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), au moins 30 000 personnes ont quitté leur domicile au cours de ces derniers jours.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) indique que, selon des estimations préliminaires, 1 230 Maliens, dont 90 pour cent sont des femmes, auraient trouvé refuge au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie.

Les Maliens partis de Léré et des villages avoisinants se sont réfugiés à l’est de la Mauritanie ; dans le camp de Mangaize (au nord d’Ouallam), les villes de Banibangou et de Tillabéry, ainsi que dans la région de Tillia au Niger, dans les camps de Damba et de Mentao, ainsi qu’à Bobo Dioulasso, la deuxième plus grande ville du Burkina-Faso.

Un grand nombre de résidents ont fui les villes de Konna, d’Amba, de Boré et de Douentza dans la région de Mopti, où, selon des témoins, des combats intenses ont eu lieu les 12 et 13 janvier. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a enregistré 445 arrivées à Mopti et à Sévaré ; la plupart de ces réfugiés vivent dans des familles d’accueil.

« Les gens continuent de fuir vers le Sud, car ils craignent les représailles violentes des islamistes, qui se sont mêlés à la population locale, et les frappes de l’armée française », a indiqué Mamouou Bocoum, un journaliste qui réside à Sévaré. « Je les comprends, la situation est très difficile ici ».

Selon un partenaire du HCR, la Commission des mouvements de population au Mali, une organisation non gouvernementale locale (ONG), des informations non confirmées évaluent à 5 000 le nombre de personnes qui auraient traversé le fleuve Niger – soit la moitié de la population de Konna.

Aux 400 000 Maliens déjà déplacés dans la région viennent s’ajouter des mouvements récents.

Les islamistes se mêlent à la population civile

Des islamistes se trouvent toujours à Konna et à Diabaly – qui ont été le théâtre de combats violents – et beaucoup d’entre eux se sont mêlés à la population civile, selon les forces françaises et des témoins.

Les civils et les acteurs humanitaires craignent que les habitants soient involontairement touchés par les combats.

L’arrivée imminente de troupes françaises au sol est annoncée, ce qui devrait porter le nombre de soldats français présents sur place à 2 500. Les responsables militaires français ont dit qu’ils feraient tout leur possible pour éviter les victimes civiles.

Limitation de l’accès

Les acteurs humanitaires craignent que la dispersion des groupes islamistes au sein de la population n’entraîne l’apparition de nouveaux foyers de tensions, et que l’accès humanitaire continue d’être limité, ont dit à IRIN les membres de plusieurs ONG.

Sean Gallagher, représentant de l’ONG Services de secours catholiques (CRS) au Mali, a indiqué que les membres du personnel avaient fait part de leurs inquiétudes concernant l’accès aux déplacés de la région de Mopti, alors que les forces françaises et maliennes imposent de plus en plus de restrictions.

Plusieurs agences d’aide humanitaire ont suspendu leurs actions dans la région de Mopti pendant et après les combats qui ont touché Konna et Douentza, s’attirant ainsi la colère d’une partie des habitants. Le journaliste Mamouou Bocoum a dit à IRIN : « Les organisations humanitaires ont quitté la ville pour des raisons de sécurité – ce n’est pas normal. C’est maintenant que nous avons besoin d’elles, ici, pour venir en aide aux déplacés ».

L’ONG CRS a quitté Sévaré temporairement, mais elle prévoit de continuer à travailler dans la région et de distribuer de la nourriture, et éventuellement des transferts en espèces, aux déplacés, dès qu’elle aura fini d’évaluer la situation, a dit à IRIN M. Gallagher.

Le CICR et la Croix-Rouge malienne s’efforcent d’accélérer la fourniture d’aide alimentaire, de soins médicaux et d’eau aux populations présentes dans le Nord et dans la région de Mopti, a indiqué Germain Mwehu, un porte-parole du CICR.

« Notre préoccupation majeure concerne cette intervention, qui se déroule dans un environnement [celui du Nord] qui a déjà connu une crise de sécurité alimentaire et des conditions humanitaires très difficiles », a dit à IRIN M. Mwehu.

Le 14 janvier, seulement 2 millions de dollars sur les 370 millions nécessaires pour couvrir les opérations humanitaires au Mali en 2013 avaient été réunis, selon OCHA.

Les populations du Nord fuient dans le bush

Le 13 janvier, les frappes aériennes françaises sur Gao et Kidal, des villes situées dans une région contrôlée par les groupes islamistes depuis avril 2012, ont pris pour cible les camps d’entraînement des rebelles, selon des témoins.

Des centaines de résidents de Kidal et Tessalit, les principales villes de la région de Kidal, ont fui dans le bush, où ils ont établi de petits campements.

Olivier Vandecasteele, responsable du plaidoyer de Médecins du monde (MDM) au Mali, a dit à IRIN : « Les rumeurs vont bon train. Les habitants [de la région de Kidal] restent chez eux ou fuient les villes, ce qui risque d’entraver leur accès aux soins de santé ». MDM, qui soutient l’hôpital et les 20 cliniques de santé de la région de Kidal, s’inquiète pour les centaines d’enfants sévèrement malnutris dont le traitement a été interrompu.

Depuis septembre 2012, MDM a soigné 2 050 enfants malnutris dans les villes de Kidal et de Gao et elle a admis 400 nourrissons à Kidal au cours du mois de décembre, a indiqué M. Vandescasteele.

« La résilience des populations s’érode – cela fait presqu’un an que leurs problèmes ont commencé. Les familles ont subi une crise alimentaire grave et doivent à nouveau se déplacer. Cela nous inquiète », a dit à IRIN M. Vandescasteele. « Nous devrions constituer des équipes de santé mobiles pour atteindre ces personnes, mais nous devons effectuer davantage de contrôles de sécurité avant de prendre ce risque ».

Les résidents de Gao ont indiqué que les groupes islamistes ont pris la fuite après les frappes aériennes. Avant leur départ, ils ont transporté une trentaine de cadavres à la morgue de l’hôpital, a dit Alousseyni Maïga, enseignant à Gao.

Des résidents ont exprimé leur soulagement après le départ des islamistes. L’un d’entre eux, Amahani Touré, a dit à IRIN : « Merci mon Dieu. Pendant deux jours, nous avons porté ce que nous voulions et nous nous sommes sentis libres à nouveau … les fanatiques religieux ont été chassés. Espérons qu’ils ne reviennent pas ».

Depuis, les lignes téléphoniques de Gao ont été coupées.

Tombouctou, au nord du pays, n’a pas été visée par les frappes aériennes. L’ONG Médecins sans Frontières, qui intervient à l’hôpital de la ville, a indiqué que des personnes blessées dans des combats survenus à sept heures de route avaient été admis dans l’établissement.

Renfort de troupes

Outre le renfort des troupes françaises, les premiers soldats nigérians devraient venir appuyer l’offensive des soldats français dans une semaine. Le Sénégal, le Niger, le Togo, le Bénin et le Burkina Faso ont tous confirmé l’envoi imminent d’un contingent.

La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la France et les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies souhaitent accélérer le déploiement de 3 300 soldats des pays d’Afrique de l’Ouest placés sous mandat des Nations Unies.
IRIN News

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Theme (s): Démocratie et gouvernance, Paix et sécurité, Réfugiés et déplacés, Sécurité,

[Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]